Rencontre avec le Président des pêcheurs artisanaux du Sénégal, Kayar
Nous sommes allés mardi, 14 juin 2011, à Kayar, un village traditionnel de pêche. Nous étions reçus par Abdoulaye Gueye DIOP, Président du
Collectif National des Pêcheurs Artisanaux du Sénégal (CNPS)
Abdoulaye Gueye DIOP nous a immédiatement accueilli et amené à rencontrer les vieux pêcheurs avec lesquels nous avons eu une discussion agréable et fructueux sur les objectifs du projet et l'intérêt qu'ils portent au Mare Nostrum.
Une entrevue a ensuite été demandé et a été l'occasion pour nous d'avoir une première image claire de la situation de la pêche à Kayar, du rôle que les pêcheurs et les autres leaders du secteur jouent ainsi que des activités qu'ils développent.
Abdoulaye Gueye DIOP a commencé par noter que le village de Kayar est pris comme une référence parmi tous les villages de pêcheurs en raison de la manière très responsable dans laquelle l'activité de pêche est organisée.
Preuve de cette conduite est l'interdiction par les pêcheurs de la localité de la pêche avec des filets monofilaments (mbalou thiass).
Ils sont même arrivés à avoir de sérieux ennuis avec les pêcheurs de Guet Ndar, une autre communauté de pêcheurs au nord du Sénégal.
En effet, à la fin de ces bagarres difficiles l'Etat a émis un décret pour interdire ce type de pêche comme incompatible avec une gestion appropriée des ressources marines. Nous notons également à l'appui de cet argument l'ordre formel que les pêcheurs à la ligne ne peuvent pas débarquer plus de trois caisses de poisson à la fois et les pêcheurs à la senne coulissante ne peuvent pas faire plus d'une lancée par jour.
Les pêcheurs de Kayar sont très respectueux de cet ordre. Ces mesures, en dépit des indications de la noble préoccupation de la population de Kayar pour la gestion des ressources marines, reflètent également les grandes difficultés face à ceux qui sont impliqués dans la pêche en général, les pêcheurs en particulier. Parmi ces difficultés on peut citer:
-
La limitation des débarquements de poisson est une conséquence de l'absence de moyens de conservation, à savoir surtout des chambres froides.
-
Les accords de pêche signés par l'Etat ne permettent pas une gestion efficace des ressources. Les pêcheurs disent que le poisson est rare et ne suffit pas pour les Sénégalais. Par conséquent, il semble insensé que le gouvernement permette aux étrangers de pêcher dans les eaux sénégalaises. Une journée sans pêche a été organisée pour protester contre cela et la conférence de presse organisée par la CNPS en mai 2011 à Dakar a été une nouvelle occasion pour les pêcheurs artisanaux de dénoncer ces décisions mises en œuvre contre leurs intérêts.
-
Le manque d'application par le gouvernement de la réglementation imposée sur la pratique de la pêche. Les pêcheurs jouent leur rôle parfaitement, mais l'Etat reste inerte et continue à montrer de l'indifférence aux problèmes d'un secteur qui pèse lourd dans l'économie de ce pays.
Il exprime aussi une préoccupation par rapport à une situation spécifique dans leur localité. Kayar est en effet une zone où la pêche et l'agriculture sont pratiquées à des degrés approximativement égaux.
L'inquiétude est liée à la crainte que leur village puisse perdre sa classification comme village traditionnel de pêche, si la pêche n'était plus en mesure à peser et que l'agriculture était perçue et considérée comme une bonne alternative. De nombreux faits vont dans ce sens:
-
L'état déplorable des pêcheurs, quand ils ne sont plus en mesure de pratiquer, et le fait que leurs héritiers ne sont pas bien motivés pour continuer l'activité.
- L'épuisement des ressources en poisson combiné à la très faible capacité de la localité d'assurer l'éducation complète des enfants est une indication pour une domination possible de l'agriculture comme activité principale de Kayar, qui perdrait ainsi sa reconnaissance comme village traditionnel de pêche - un village où la pêche n'est pas qu'une activité lucrative, mais plutôt un système, un système où chaque partie de la population est consciente du rôle qu'elle doit jouer pour sa pérennité.
Les pêcheurs demandent que l'Etat s'applique à plusieurs réalisations concrètes et ne dépense pas d'énormes sommes d'argent sur des séminaires, après quoi leur situation ne s'améliore même pas d'un jota. Abdoulaye Gueye DIOP appelle également à une initiative et son soutien afin que les pêcheurs bénéficient de la sécurité sociale. Il termine l'entrevue en demandant à tous les pêcheurs artisanaux à s'unir afin que tous les objectifs de la CNPS soient atteints, à savoir l'amélioration des conditions de vie des pêcheurs et du travail vers une meilleure gestion des ressources marines.