Journée mondiale de la pêche par plusieurs organisations du secteur au Sénégal
La Journée mondiale de la pêche a donné lieu à plusieurs manifestations au Sénégal. Face à la crise profonde du secteur engendrée notamment par la surpêche industrielle et la mauvaise gouvernance, plusieurs organisations du secteur ont demandé l'arrêt de l'octroi de nouvelles licences de pêche industrielle, de la capture de juvéniles et de la construction de nouvelles usines de farine de poisson qui mettent en péril la disponibilité d'aliments à base de poisson à un prix abordable pour la population locale. L'accès aux petits pélagiques comme la sardinelle (Sardinella) et l'ethmalose (Ethmalosa) doit être réservé aux opérateurs locaux afin que les femmes puissent gagner leur vie dans les activités post-récolte et subvenir aux besoins de leur famille. Les organisations professionnelles expriment également leur grande inquiétude face à l'émigration irrégulière.
Cliquez sur l'image pour accéder à la vidéo YouTube avec la déclaration au gouvernement d'Abdoulaye Ndiaye pour ramener le secteur vers des voies viables ou cliquez ici pour le mémorandum pour une analyse des problèmes et des demandes. Abdoulaye Ndiaye dirige la campagne Océan de Greenpeace Afrique et était l'orateur de la plate-forme d'organisations célébrant ce "jour noir" pour la pêche au Sénégal.
Les neuf demandes clés sont les suivantes:
1. Geler l’octroi de toute nouvelle licence de pêche industrielle sur des stocks pleinement exploités et surexploités ;
2. Réserver exclusivement l’exploitation et la commercialisation de la sardinelle et de l'éthmalose aux acteurs nationaux pour le ravitaillement du marché national afin de renforcer la sécurité alimentaire nationale et la création d'emplois ;
3. Augmenter la représentation des Professionnels de la pêche dans les organes de gestion (CNCPM, CCALP, et autres commissions) ;
4. Mettre en œuvre les recommandations des concertations sur les Usines de Farine et d'Huile de Poisson (UFHP), notamment la prise de l'arrêté de gel des autorisations d'implantation de toutes nouvelles unités de farine et d'huile de poisson et l'audit des unités existantes ;
5. Prendre des mesures de gestion durables des pêcheries pour éradiquer l’émigration irrégulière ;
6. Faire une évaluation indépendante, par la partie sénégalaise, de l'Accord de pêche avec l’Union Européenne (UE) avant toute négociation pour le renouvellement d'un nouvel accord de pêche et partager les résultats avec les parties prenantes ;
7. Renforcer la recherche et vulgariser les résultats avec les parties prenantes (Professionnels, Administration des pêches, etc.) ;
8. Professionnaliser le secteur de la pêche artisanale et généraliser les cartes de métiers (Mareyeurs, Femmes transformatrices, Pêcheurs artisanaux, etc.) ; et
9. Mettre en œuvre les standards internationaux et les bonnes pratiques de transparence des pêches.
Le 21 novembre 2023 également, à Hann Bel Air, Aliou Sall de Mundus maris avait réuni un groupe de femmes de la communauté qui discutaient de leurs doléances depuis longtemps déjà. Elles se plaignent d'avoir été déplacées de leurs lieux de travail traditionnels sans compensation pour faire place à un énorme complexe frigorifique d'un investisseur étranger. La surpêche, en particulier celle pratiquée par les navires industriels, a mis la ressource à genoux et de nombreux bateaux ne prennent même pas la mer pour pêcher parce que les maigres prises ne couvrent pas les coûts d'exploitation.
L'augmentation des captures de petits poissons pélagiques juvéniles signifie que ce qui reste de la pêche est en train de détruire rapidement son propre avenir. Cela signifie que de nombreuses femmes, ici et ailleurs, sont sans emploi.
Mundus maris a développé, avec d'autres personnes concernées par l'avenir de la pêche, l'application FishBase. Le scan du code QR permet l’installation de l'application sur n'importe quel appareil Android. En choisissant un pays, vous téléchargez toutes les informations enregistrées relatives à ce pays, de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'être connecté en permanence à l'internet. Choisissez votre langue et c'est parti!
L'application permet de rechercher des informations par pays telles qu’extraites du système mondial d'information sur toutes les espèces de poissons connues scientifiquement, par nom commun de poisson et dans n'importe quelle langue. Choisissez l'espèce qui vous intéresse et vous obtiendrez la photo et la taille minimale de reproduction du poisson, ainsi que quelques autres informations de base permettant de vérifier si les poissons débarqués sont des bébés ou des adultes.
En examinant la taille optimale, les utilisateurs qui voient beaucoup de juvéniles peuvent se faire une idée du gaspillage et de la perte de récolte potentielle dans un avenir proche. Cela devrait contribuer à éviter un sentiment d'impuissance face à une mauvaise gestion. Tout le monde est capable de voir ce qui doit être pêché et ce qui ne doit pas l'être et exiger des pratiques durables sous le contrôle de l'administration.
Aujourd’hui, le peu qui est débarqué peut finir dans des usines de farine de poisson ou dans des filières contrôlées par des investisseurs extérieurs à la communauté. Ne gagnant pas leur vie, les familles sont en détresse. Cela éclipse même les préoccupations fondamentales que les femmes avaient depuis des années déjà, car l'absence de toilettes accessibles et d'équipements de base affectait leurs conditions de travail et leur santé. Avec l'une ou l'autre «explication» administrative, aucune administration n'était disposée à garantir leurs droits. Récemment, la sécurité est devenue un problème encore plus important qu'avant l'expulsion. Près de leurs stands, le trafic de drogue, les voyous et les vols abondent, mettant même leur vie en danger. C'est un véritable scandale.
La réunion du 21 novembre, soutenue financièrement par Mundus maris, s'est concentrée sur la concrétisation des Directives volontaires pour une pêche artisanale durable (PAD). De nombreuses femmes n'étaient pas encore correctement informées des dispositions relatives aux droits de l'Homme et des mesures concrètes préconisées par les Directives PAD, que le gouvernement sénégalais s'était publiquement engagé à adopter. C'est pourquoi une vidéo avec une voix off en wolof a permis de combler ce manque d'information. Les femmes ont également visionné le documentaire de ZIDEOPROD au Sénégal, co-parrainé par Mundus maris, «Poisson d'or, poisson africain», afin d'avoir une vue d'ensemble de tous les éléments de la chaîne de valorisation. Le film a remporté des dizaines de prix dans des festivals internationaux et a été traduit en plusieurs langues. Les participants ont pu voir comment, il y a quelques années, l'installation d'usines de farine de poisson appartenant à des étrangers à Kafountine a détruit une économie locale et régionale prospère à partir des captures de petits pélagiques, transformés localement et commercialisés dans toute la région jusqu'au Sahel. Cette destruction est en train de se généraliser et il est grand temps de s'opposer à des dérives encore plus graves. L'orientation vers l'exportation au détriment de la satisfaction des besoins locaux, même les plus élémentaires, ne doit pas se poursuivre sans contrôle.
Les femmes ont alors décidé de se réunir à nouveau à la fin de la semaine pour discuter plus en détail des problèmes et décider des actions à entreprendre pour obtenir la satisfaction de leurs demandes.
Entre-temps, la lettre ouverte de RISE UP exigeant des sièges à la table où sont prises les décisions sur la gouvernance de la pêche et de l'océan a été envoyée au ministère de la pêche et de l'économie marine du pays.
Traduction française de Christiane van Beveren.