L'association locale « ALACASE » appuyée par Mundus maris a montré son dynamisme en obtenant l'accès à l'état civil des jeunes écoliers au Sénégal
par Aliou Sall
Cela a été un grand pas en avant pour 85 écoliers de Hann et leurs familles. Le 15 juin 2015, s'est tenue une audience foraine, où une juge s'est déplacée pour régulariser l'état civil des jeunes. Cet act ouvre des nouvelles perspectives pour l'avenir des jeunes concernés dont l'école niait les examens et ainsi la terminaison de l'école secondaire, faute d'absence de papiers. Encouragés par les premiers percées dès fin 2014 pilotées par Mundus maris, un grand nombre de familles fait maintenant la queue pour suivre la mouvance.
Le problème est répandu au Sénégal et dans d'autres pays, surtout en développement. La négation de la scolarité pour des jeunes sans état civil est une violation du droit humain à la scolarité, traité international aussi ratifié par le Sénégal. Mais comme souvent les grands principes globalement acceptés ne se déclinent pas directement dans les pratiques, il convient toujours regarder de près le contexte concret pour faire avancer l'application des principes au bénéfice des exclus. C'est d'une importance capitale pour les populations côtières particulièrement frappées par la crise dans la pêche, la pollution marine et côtière et des investissements insuffisants ou maladaptés à leur avancement social et économique et le besoin urgent d'une reconstitution du milieu naturel fort dégradé.
Mais racontons l'histoire de ce succès étappe par étappe.
Cette initiative spécifique démarre en effet avec le soutien de Mundus maris à des associationis sportives et culturelles à Hann courant de 2014. Lors des tournois de foot et de lutte pour différents groupes d'age, les responsables locales commencent prendre la mesure du problème. Et aussi de ses complexités qui ne permettent pas des généralisations simplistes. C'est ainsi que le soutien pour la campagne de l'association locale « ALACASE » commence. ALACASE se fixe comme objectif principal : l'appui à la création d'activité économiques dans la commune de Hann Bel Air. Elle a été créée en 2009 et reconnue par le Ministère de l'intérieur.
Dans un premier moment, le chemin est exploré et un groupe « pilote » de jeunes reçoit leurs papiers pour reintégrer l'école à la rentrée 2014/15. Ce succès initial a donné l'espoir à la réussite d'une campagne de majeure envergure.
ALACASE adresse une première correspondance aux authorités en janvier 2015 comme pas important pour amener cette initiative à une plus grande portée. Mundus maris a joué un rôle de mentor pour que les partenaires locaux puissent faire leur expériences dans des meilleures conditions. Le soutien consistait entre autres à les appuyer à la rédaction de courriers à destination des autorités, leur mettre à disposition de moyens logistiques (grands registres, cahiers, règles et autres petits matériaux pour le recensement des familles étant dans le besoin), assurer leurs transports avec les allers retours incessants vers le palais de justice, assurer les frais liés à la duplication de pièces exigées.
Ainsi, ils pouvaient aider les parents à acquérir deux documents que sont (a) le certificat de naissance délivré par la matrone (dans la majeure partie des cas) ou le dispensaire où la maman avait accouché et (b) un certificat de non inscription à l'état civil délivré par un officier d'état civil.
L'étape suivante a consisté à sensibiliser tous les parents, afin que chaque couple puisse se présenter le jour de l'audience avec les photocopies de leur carte d'identité (CI) certifiées et légalisées par une autorité compétente en la matière. Pour les parents ne pouvant présenter un certificat de naissance, la présence de deux témoins fiables avec leurs pièces d'identité était exigée.
La première interpellation des autorités judiciaires était faite dans le but de déplacer les parents vers le palais de justice, après avoir négocié des rendez-vous d'audience avec les juges. C'est après tant de mois de va et viens entre la communauté et le palais de justice en vue de négocier des audiences, et au moment où peu de parents y croyaient encore, que l'audience foraine a été offerte par les autorités étatiques. Il fallait combattre ce fléau de dé-scolarisation des jeunes à tous les niveaux afin de leur ouvrir des perspectives pour un meilleur avenir.
Les efforts des deux jeunes acteurs principaux à l'oeuvre pour le compte de l'association « ALACASE » que sont Abdourakhmane FALL et Mami DIAW se sont soldés par des résultats. Ceci leur ont donné une certaine notoriété dans la communauté, surtout quand on sait qu'ils ont travaillé sans relâche et de manière volontaire.
En effet, un premier lot de 85 dossiers complets ont été transmis au juge lors de l'audience du 15 juin et résolus le jour même par l'établissement du certificat d'état civil. Vingt neuf autres dossiers ont été introduits, mais ne pouvait plus être traités immédiatement. Nous attendons leur retour afin de pouvoir doter ces enfants d'un état civil.
Un deuxième lot est en cours d'être acheminé vers le palais de justice. Il était impossible matériellement de soumettre tous ces dossiers à la seule juge qui était ennoyée le jour de l'audience foraine en dépit d'une durée de 9 à 21 heures.
Nous attendons ainsi la finalisation du premier lot de dossiers, afin d'organiser un débat à l'échelle de la communauté afin de rendre hommage à Abdourakhmane et Mami, de même qu'à M Ousmane Diaw, l'officier d'état civil de la commune de Hann Bel Air, qui s'est engagé de façon hors du commun en consacrant son temps pour les populations à la recherche de constituer leurs documents. Cette réflexion doit aussi aborder comment maintenir et même augmenter la pression sur les authorités responsables afin de terminer ce fléau au plus vite, à Hann et ailleurs au Sénégal.
En effet, grâce à la mobilisation locale, l'audience foraine du 15 juin a eu lieu sous l'égide du Gouvernement du Sénégal à travers son Ministère de la Justice. Cette audience foraine et d'autres encore faisaient ainsi partie d'un planning pour répondre au préoccupant problème de la dé-scolarisation de plusieurs milliers de jeunes écoliers (au niveau national) et des centaines à l'échelle de la commune de Hann Bel Air. Cette dé-scolarisation est causée par le fait que des jeunes sont acceptés en CI sans pouvoir attester d'un état civil pour des raisons multiples et complexes et c'est arrivés en classe d'examen que les problèmes se posent. L'extension de la dé-scolarisation est devenue un « enjeu national » porté au centre du débat aussi par la mobilisation locale.
Donc, bien joué ! Et cela continue. Nous tenons aussi à reconnaître le soutien financier de Schuman Trophy qui a permis d'appuyer cette campagne en faveur des jeunes pendant toute cette période.
Les photos sont de l'auteur.