Les océans : Importance ? Menaces ? Quels types d’actions prioritaires aux niveaux global et local ?
En marge du 9ème Forum du Partenariat Régional pour la Conservation de la zone Côtière et Marine en Afrique de L'Ouest, convoqué du 23 au 27 octobre 2017 à Conakry en Guinée, Mr Jean Louis SANKA a accordé une interview à Mundus maris sur l’importance encore peu connue de l’océan par les non-initiés et les menaces qui pèsent sur cet écosystème. Il a aussi donné une esquisse de réponses face à ces menaces, en termes d’actions tant au niveau global que local. Nous vous livrons ci- après le contenu de cette interview.
MM : Bonjour Monsieur, pouvez-vous s’il vous plaît vous présenter?
J.L.S. : Je m’appelle Jean Louis SANKA, coordonnateur du Programme Régional d’Education à l’Environnement, plus connu sous l’acronyme en français PREE. Ce programme couvre la totalité des Etats membres de l’écorégion PRCM : Cap Vert, Gambie, Guinée Bissau, Guinée, Mauritanie, Sénégal et Sierra Léone.
MM : Qu’est- ce qui vous lie à l’océan ? Pourquoi vous engager ?
J.L.S. : C’est simple. Nos vies en tant qu’humains sont liées à l’eau, plus particulièrement pour nous originaires de ce qu’on appelle «Les pays des Rivières du Sud » qui sont au nombre de cinq : Sénégal, Guinée Bissau, Guinée Conakry, Sierra Léone et Gambie. Pour nous, l’eau est une constante. Tout s’articule autour de l’eau, telles que l’économie et la culture, entre autres. Tous les éléments d’identifications ne sauraient exister sans l’eau. Il en est ainsi d’un élément aussi important que le « Masque » dans nos sociétés traditionnelles qui est, dans le cas Bissau guinéen, un signe des peuples de l’eau. On retrouve aussi cette valeur attribuée à l’eau en Guinée Bissau chez d’autres communautés dans notre écorégion. C’est le cas des Lébous au Sénégal. C’est en rapport avec cette importance capitale de l’eau sur les plans économique et culturel et du fait que les menaces sur l’environnement se multiplient que nous devons nous engager sans relâche. En effet, les menaces qui pèsent sur les plans d’eau quelle que soit leur nature (océan, mangrove, fleuve, rivière à titre d’exemple) se traduit par une remise en cause de leurs fonctions et rôles sur les plans culturel et économique. L’une des illustrations de l’impact de la dégradation des écosystèmes sous l’angle socio-culturel est le fait que le peuple Balante ne fait plus de riz comme il le faisait avant. Ce qui est plus qu’un désastre quand on sait qu’il s’agit d’une activité qui est l’expression d’une identité spécifique.
MM : Pouvez-vous nous énumérer les plus trois grandes menaces qui pèsent que l’océan ? Pourquoi ?
J.L.S. : La croissance démographique se traduit par une pression de plus en plus grande sur les écosystèmes dont l’océan. Quand on ajoute le développement urbain avec ses effets corollaires dont les pollutions de toutes sortes et dans un contexte de progrès de la médecine, le tableau devient de plus en plus sombre. De manière plus spécifique aux océans, le transport des hydrocarbures, les mauvaises pratiques de pêche ont aussi grandement dégradé leur état de santé. Il ne faut surtout pas oublier les menaces continues auxquelles est soumise la mangrove dus en grande partie à la déforestation de cet écosystème extrêmement important.
C’est la résultante de l’effet combiné de la coupe de bois et du développement croissant des monocultures. Compte de l’apport des eaux intérieures pour la biodiversité des océans, cette situation n’est pas sans grave conséquence. Au-delà de ces facteurs qui menacent les océans et qui sont à mettre à l’actif de l’humain, il faut y ajouter le changement climatique dont une bonne partie des causes provient aussi de l’homme.
MM : Quelles actions prioritaires mener pour contrecarrer ces menaces ?
J.L.S. : Elles peuvent se résumer en ces termes suivants : (i) sensibiliser et faire le plaidoyer en faveur de la conservation de la biodiversité et (ii) mobiliser pour un changement en profondeur dans nos comportements vis-à-vis de notre environnement de manière plus globale. C’est là que l’éducation environnementale trouve toute sa place. Il faudra questionner les pratiques néfastes et proposer des technologies plus respectueuses de l’environnement.
Il en est ainsi de l’impératif à promouvoir davantage et à développer par exemple la technique du « sel solaire » pour contrecarrer le défrichement des mangroves, avec tous ses impacts sur l’environnement. Il faut se battre pour créer des zones tampons dans ces écosystèmes mis en danger, seule manière de barrer la route à la monoculture et à la coupe du bois dans les mangroves.
MM : Quel peut être le rôle de l’action locale ? Des actions internationales ou globales et les relations entre les deux ?
J.L.S. : Il faut construire des synergies entre les deux, car il s’agit de deux dynamiques indissociables. Autant certaines actions doivent relever d’initiatives locales, autant d’autres doivent être entreprises au niveau international, global. Par exemple, les mauvaises pratiques agricoles, de pêche, etc. doivent être réglées au niveau local, national. Il en est ainsi des zones tampons soulevées dans les lignes qui précèdent ou la prévention de la pollution de certains plans d’eau dont les océans. Mais une question aussi importante que la montée des eaux ne peut réglée que dans le cadre d’actions concertées à l’échelle globale, d’où le rôle prépondérant de certaines instances telle la COP21 (Accord de Paris sur le climat, 2015 - n.d.l.r).
MM : Quel est votre plus grand souhait pour l’océan?
J.L.S. : Il se résume en ces points : (i) l’instauration d’une discipline à même d’inverser le comportement nocif que nous adoptons au détriment de notre environnement en général, de l’océan en particulier; (ii) l’implantation de zones de repos biologique de manière plus systématique; (iii) une gestion plus rigoureuse et responsable des déchets déversés dans l’océan.
Propos recueillis par MM.