Montserrat Figueras, Lior Elmaleh, Hespèrion XXI et Jordi Savall, 2011. Bellaterra, Espagne, ALIA VOX, 454 p. + 2 CDs
Ce livre multimédia conçu par Jordi Savall et Montserrat Figueras sur la mer Méditerranée comme un carrefour de cultures et de leur musique se veut comme des dialogues multi-facettes entre orientaux et occidentaux, à travers l'histoire, avec leurs traditions et perspectives actuelles. Il est présenté par l'Institut Européen de la Méditerranée (IEM). Il a été rendu possible par une vaste collaboration et soutenu financièrement par l'IEM, la Fundació Centre Internacional de Música Antiga avec la Generalitat de Catalunya, l'Institut Ramon Llull et le Programme Culture et Éducation de la Commission européenne.
"Notre Mer. Cette expression si connue pour nous qui vivons sur les rives de la Méditerranée est la traduction de l'expression latine mare nostrum, que les Romains de l'Antiquité forgèrent au Iie siècle avant Jésus-Christ, lorsqu'ils prirent les îles de Corse, Sardaigne et Sicile des mains des Carthaginois durant les guerres puniques et qu'ils l'appliquèrent d'abord aux eaux de la Méditerranée occidentale. A partir de cette date, les imparables conquêtes de Rome, d'Hispania jusqu'en Egypte, firent en sorte que, vers les années 30 av. J.C, l'expression mare nostrum puisse s'appliquer à la totalité de la Méditerranée, laissant le terme oceanus pour la vaste et dangereuse mer qui s'étendait au-delà du Cap de Gibraltar. Le célèbre historien Salluste (86-35 av. J.-C), l'appelait mare internum parce que depuis la sortie occidentale des Colonnes d'Hercule jusqu'aux terres levantines de Phénicie et de Syrie, elle était entourée de terres. Les Grecs, avant les Romains, avaient appelé mesogeios, c'est-à-dire «entouré de terres», la mer qu'ils parcouraient d'île en île. C'est cette traduction qui finalement allait s'imposer en latin: la mare mediterrae est notre Méditerranée (d'après ce que commente Isidore de Séville au VIIe siècle)." Manuel Forcano, Ecrivain (traduction Irène Bloc), p. 18.
Les textes d'accompagnement sont une réflexion sur le dialogue des âmes à travers la Méditerranée, ses millénaires d'échange, de la guerre, de la coopération, des malentendus et de l'influence mutuelle. Ils sont d'Amin Maalouf, écrivain, Jordi Savall, musicien de viole, chef d'orchestre et compositeur, Manuel Forcano, écrivain, Fernand Braudel, historien, Pedrag Matvejevic, essayiste et écrivain, Amnon Shiloah, musicologue, Tahar Ben Jelloun, écrivain et poète, Rossend Domènech, journaliste, et Sergi Grau Torras, historien. Les textes sont présentés en arabe, espagnol, catalan, allemand, anglais, français, grec, italien, turc et l'hébreu
Les deux CD sont intitulées «Mare Nostrum - Orient - Occident: Dialogues. Dialogues de la musique chrétienne, musulmane et juive autour de la Méditerranée ». Ils enchantent l'auditeur avec 8 morceaux arabo-turques, six pièces en hébreu, sept pièces chrétiennes et d'autres sept pièces d'origine mixte. Les textes sont d'anciennes sources hispaniques, les mélodies et les instrumentaux d'influence sépharade et orientale. La musique, encore plus que que les textes, est évocatrice de l'échange profond qui dure depuis des millénaires à travers la Méditerranée. Le livre multimédia est un rappel opportun de la profondeur de l'influence mutuelle qui peut être tracée dans l'histoire, les noms, les communautés de migrants et beaucoup de pratiques d'aujourd'hui, même si les gens sur la côte nord, sud, est et ouest n'y sont pas toujours conscients et ne sont pas engagés dans un dialogue actif à l'heure actuelle. Laissez la culture partagée devenir un lien afin de se reconnecter pacifiquement à l'autre.
Les enrégistrements de la musique sur des instruments traditionnels ont été réalisés par Manuel Mohino les 2 et 3 décembre 2009 à la Chapelle de la Miséricorde, à Marseille, le 20 août 2010 à l'église de Franc-Warêt, en Belgique, les 7 et 8 septembre 2010 au monastère de Saint-Pierre de Rhodes, les 1 novembre 2010, 19 janvier 2011 et 15 et 18 mai 2011 à la Collégiale de Cardona, Catalogne, et enfin le 14 juillet 2011 à l'Abbaye de Fontfroide, en France.
Cornelia E. Nauen