L'approche, adoptée par les institutions européennes dans ses missions, vise à relever les grands défis sociétaux en facilitant la mobilisation de nombreux acteurs effectuant un travail transdisciplinaire et en combinant un large éventail d'instruments de financement, du niveau européen au niveau local. Le deuxième forum de la mission Restaurer notre océan et nos rivières, ouvert le 5 mars par le président du conseil de la mission, Pascal Lamy, a montré qu'au-delà des belles aspirations, une action réelle et une mise en évidence du changement étaient à l'ordre du jour. La semaine entière fut riche en présentations et en possibilités de collaboration, avec une impressionnante présence de femmes dirigeantes engagées et qui n'hésitent pas à se rendre là où c’est important. Voici quelques impressions des événements.
M. Lamy s'est efforcé d'attirer l'attention de l'auditoire sur la mise en œuvre de mesures concrètes pour restaurer l’océan et les rivières. Il a expliqué que la planification avait commencé il y a quatre ans. Le forum de mission de l'année dernière était encore très prospectif, car les premiers projets commençaient à peine à être opérationnels. Mais le cadre législatif est désormais en place, avec la loi sur la restauration de la nature votée par le Parlement européen, qui constitue l'élément le plus récent pour mettre l'Europe sur la voie de la restauration des 20 % des écosystèmes dégradés d'ici à 2030, ainsi qu’une police d'assurance pour l'avenir en cas de changement climatique brutal, d'extinctions massives et d'autres phénomènes encore. Un grand nombre de projets et d'initiatives sont désormais en cours, mobilisant des moyens financiers supplémentaires et plus «que les gens et organisations habituellement suspectés», comme il l'a déclaré.
Les orateurs se sont succédés et ont fait de leur mieux, appuyés par l'enthousiasme contagieux de la modératrice Katrina Sichel. Les participants étaient régulièrement invité à réagir à chaque étape de l'ordre du jour, éventuellement sur base de questions «Slido» posées au public.
La première session opérationnelle, intitulée «Restaurer les écosystèmes marins et d'eau douce», a réuni des intervenants chargés de mettre en œuvre des solutions dans les missions-phares à partir des actions de la Charte et a invité le public à commenter et à poser des questions par l'intermédiaire de Slido. Elle a été rapidement suivie d'une table ronde consacrée à l'élimination ou à la prévention de la pollution marine à différentes échelles.
Deux efforts de longue date ont été récompensés par le prix européen des AMP : la réserve naturelle de Torre Guaceto, près de Brindisi dans les Pouilles, en Italie (Torre Guaceto nature reserve) et l'aire marine protégée de la Côte agathoise sur la côte méditerranéenne française.
Les sessions de l'après-midi se sont principalement concentrées sur les possibilités de transition vers une économie circulaire, même si la plupart n'en sont encore qu'à leurs balbutiements. Plusieurs orateurs ont insisté sur la nécessité de se regrouper et d'accélérer les initiatives pour atteindre les objectifs.
La session sur les systèmes de savoirs a donné un aperçu de la manière dont les citoyens pourraient être impliqués dans une série d'initiatives visant à stimuler des solutions intégrées, qui dépassent les préoccupations environnementales et abordent les questions sociales et économiques. L'expérience montre que les approches étroites n'ont qu'une portée limitée et que les résultats ne sont pas optimaux. Il est également vrai qu'avec une production halieutique totale dans les eaux européennes passant d'environ 7 millions de tonnes en 2017 à la moitié de ce chiffre en 2021, il n'y a pas de place pour l'autosatisfaction. La restauration doit être accélérée de manière drastique pour maintenir la consommation d'aliments sains provenant des mers, car l'Europe ne peut pas espérer couvrir indéfiniment son déficit croissant en puisant dans d'autres régions de l'océan mondial.
La dernière session du panel «Mission Océan et Eaux en action» s'est intéressée à l'engagement des jeunes et a proposé une visite guidée de la coordination et du soutien aux quatre initiatives-phares régionales, la Méditerranée, la mer Baltique et la mer du Nord, l'Atlantique et l'Arctique, et le Danube. Cécile Nys, du projet PREP4BLUE, a illustré les mécanismes de coordination horizontale et de soutien à la mission.
Il revint ensuite à John Bell, directeur adjoint de la mission et directeur de Healthy Planet (DG Recherche et Innovation, Commission européenne), de formuler des remarques finales et d'encourager chacun à se mobiliser pour la mise en œuvre de la mission qui devrait survivre au remaniement du Parlement européen faisant suite aux élections de juin 2024 et à l'entrée en fonction d'une nouvelle Commission en octobre de cette année.
Quelle a été l'appréciation générale de la journée sur Slido ? Le moment de vérité où près de 100 participants ont exprimé leur satisfaction a montré que l'exercice en valait la peine.
Le site web officiel est accessible ici.
Traduction française de Christiane van Beveren.
Ci-dessous quelques photos prises par le photographe de la mission:
L'avenir des mers européennes, 6 mars 2024
Charlina Vitcheva, directrice générale de la DG MARE de la Commission européenne, a animé cette journée de réflexion sur les futurs possibles et souhaitables. A la lumière du nouveau cycle politique qui s'annonce, et quelle que soit la composition du Parlement européen et de la Commission, les nouveaux titulaires devront faire face à la triple crise de la perte de biodiversité, de la pollution et du changement climatique. A quoi il faut ajouter comme quatrième défi le développement de solutions inclusives et socialement équitables.
Manuel Barange, directeur général adjoint des pêches à la FAO, a dressé un bilan de la situation mondiale. Il a déploré le problème de la faim, qui touche actuellement plus de 700 millions de personnes dans le monde. Alors que la production de fruits de mer sauvages et de produits de l'aquaculture permet aujourd'hui d'atteindre une quantité nominale de 20,2 kg de poisson et de fruits de mer par personne et par an, les pays africains n'atteignent qu'environ la moitié de cette quantité. Si le continent devait atteindre le niveau requis de valeur nutritionnelle du poisson, il faudrait une augmentation de 284 % d'ici à 2050.
L'aquaculture se compose principalement de poissons d'eau douce des niveaux trophiques inférieurs, comme les carpes, qui représentent 62,2 % du total mondial. Mais la durabilité reste une préoccupation dans l'aquaculture, en particulier pour les espèces carnivores, comme le saumon.
Cette année, alors que les directives volontaires pour une pêche artisanale durable fêtent leur dixième anniversaire, on ne saurait trop insister sur leur importance pour garantir les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, l'emploi et les cultures maritimes. Il ne faut pas oublier que le commerce des produits de la pêche est la principale source de revenus pour de nombreux pays à revenu faible ou modéré (PRFM).
L'intégration de la conservation de la biodiversité, de la restauration des océans et des objectifs mondiaux visant à éradiquer la faim doit figurer en tête des agendas politiques et opérationnels.
Dans sa réponse, Charlina Vitcheva a souligné qu'en raison des tensions croissantes dans le monde, les objectifs en matière d'affaires maritimes ont été bouleversés. À titre d'exemples, elle a mentionné : les États-Unis et d'autres pays qui étendent considérablement leur plateau continental; la Norvège qui a commencé à exploiter les fonds marins malgré sa présidence du groupe d'experts sur l'Océan, qui regroupe des pays soucieux d'accroître la protection et l'utilisation durable des océans; la Chine qui déploie sa puissante flotte industrielle non seulement en Afrique de l'Ouest, mais aussi le long des côtes sud-américaines. L'Europe connaît ses propres tensions mais s'efforce de rester un partenaire international stable pour faire avancer l'agenda de la réhabilitation de l'ocean. Elle a fait valoir qu'il fallait accorder plus d'attention aux dimensions sociales et économiques, notamment au vieillissement de la population en général et à la difficulté d'attirer les jeunes, par exemple dans le secteur de la pêche, alors que les ressources sont en déclin. En outre, la concurrence pour l'espace des nombreuses activités différentes en zone côtière ne facilite pas la gestion des Zones Economiques Exclusives.
Afin de réfléchir à ces différents défis, quatre sessions de discussion thématique en petits groupes ont été programmées pour travailler sur les thèmes suivants:
- les leviers mondiaux
- l'économie
- la société
- l'innovation.
Les participants ont été sélectionnés et répartis en 4 groupes de sorte de couvrir chaque thème et de faire ressortir les principaux messages à retenir pour la planification future. Les rapporteurs et les modérateurs de chaque groupe ont ensuite rassemblé ces points clés et quatre rapporteurs d’entre eux ont partagé la synthèse de chaque thème en séance plénière.
Dans tous les thèmes, la demande d'engagement des citoyens et la promotion d'approches inclusives sont apparues comme un fil rouge, accompagnées toutefois de spécificités propres à chaque sujet et à chaque région d'Europe. Plus de 100 personnes ont participé aux discussions de groupe et ont fait part de leur expérience et de leur point de vue.
La Commission s’engage à documenter le processus et à publier un résumé après la réunion.
Traduction française par Christiane van Beveren.
Atelier sur les parcs bleus, le 7 mars 2024
Andrea Strachinescu-Olteanu de la DG MARE de la Commission européenne a ouvert l'atelier en rappelant aux participants que la Commission actuelle était très intéressée par les aires marines protégées (AMP) comme instrument de réhabilitation des océans malmenés. Tant qu'Horizon Europe, le vaste programme-cadre de recherche, sera en activité, des fonds seront alloués à la réalisation de cet objectif. Il est important de montrer des résultats pour augmenter les chances que ces engagements soient maintenus par les prochains responsables et programmes.
Gregory Fuchs, de la plateforme MIP Ocean, a rappelé quelques-unes des conclusions de l'atelier préparatoire tenu en décembre 2023. Bien que 12 % des eaux européennes aient été déclarées protégées, moins d'un pourcent le sont effectivement, les 11 % restants n'étant que de simples parcs de papier. Il est important de s'unir pour remédier à cette situation afin de s'assurer que les bénéfices sociétaux de parcs marins réellement fonctionnels soient connus des décideurs et des citoyens ordinaires, en travaillant sur les leviers identifiés.
Alberto Zocchi de CINEA, l'agence exécutive de nombreux projets contribuant à la mission «Réhabiliter notre océan et nos rivières» établie en 2021, a présenté une vue d'ensemble. Il a invité les participants concentrés sur l'action à explorer quelques objectifs politiques clés et les principaux outils de mise en œuvre. Selon la stratégie de l'UE en matière de biodiversité adoptée pour soutenir l'Agenda 2030 des Nations unies avec les objectifs de développement durable (ODD), les objectifs d'Aichi dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique (CDB) et le cadre mondial pour la biodiversité récemment adopté, 30 % des terres et des mers européennes devraient être protégées d'ici à 2030. Sur ce total, 10 % devraient être strictement protégés.
Cinq missions ont été négociées pour répondre à des objectifs sociétaux majeurs et utiliser toutes sortes de mécanismes de mise en œuvre, de l'échelon européen à l'échelon local. La mission «Réhabiliter notre océan et nos rivières d'ici à 2030» est l'une des cinq missions. Des sites destinés à piloter et à démontrer des solutions possibles pour réhabiliter des écosystèmes fortement dégradés d'une manière socialement et économiquement durable ont été choisis dans quatre grandes sous-régions-phare. Parmi les principaux instruments de financement figurent le programme-cadre de recherche et d'innovation Horizon Europe, LIFE, l'instrument de financement de l'UE pour le programme d'action pour l'environnement et le climat, et le FEAMP, le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture, qui soutient la politique commune de la pêche. Un rapport d'évaluation de quelque 800 projets financés au cours de la période 2013-2023 a permis d'identifier les lacunes et devrait permettre d'orienter les ressources et les activités en ce sens.
Le décor étant ainsi planté, la majeure partie de la journée restante fut consacrée à apprendre des chefs de projet la manière dont ils abordaient le mandat de réhabilitation et les expériences qu'ils avaient accumulées jusqu'à présent. Une préoccupation récurrente était que pour que la réhabilitation ait une chance, il fallait réduire les pressions excessives qui ont conduit à la dégradation de l'environnement et aux problèmes sociaux et économiques qui en ont découlé. Comme l'a fait remarquer un orateur, lorsque la maison brûle, on ne peut pas la reconstruire, il faut d'abord éteindre le feu. Parmi les nombreux rapports intéressants, nous ne pouvons en mentionner que quelques-uns et nous devons prendre leurs conclusions préliminaires avec réserve, dans la mesure où la plupart des projets n'étaient même pas encore à mi-parcours de leur programme.
Jannica Haldin, coordinatrice de projet à HELCOM, la Commission pour la protection de l'environnement marin de la mer Baltique, basée à Helsinki, en Finlande, était en poste depuis sept mois. Elle était déjà consternée par les multiples couches de réglementations nationales disparates, les intérêts locaux et les pressions toujours plus fortes exercées sur l'environnement. Ces pressions sont essentiellement le ruissellement agricole effréné qui augmente les zones mortes, la pêche excessive qui entraîne l'effondrement des populations de cabillaud et de hareng de la Baltique occidentale, la toxicité des conteneurs rouillés de munitions de la Seconde Guerre mondiale, les filets fantômes sur les épaves de navires, etc.. Le tourisme a augmenté de 40 % au cours de la dernière décennie, mais il pourrait devenir encore plus important si l'environnement était en meilleur état. Avec son énergie et son enthousiasme contagieux, elle a souligné qu'il était plus judicieux de travailler avec ceux qui ont le plus à gagner d'une mer Baltique en bonne santé et qui seraient prêts à soutenir une législation qui mettrait en œuvre des mesures visant à réduire les dommages. Son message-clé était le suivant : il vaut mieux faire beaucoup de choses simples pour que les avantages soient visibles et qu'un plus grand nombre de personnes et d'organisations s'engagent.
Lorenzo Bramanti, du LECOB-CNRS en France, a plaidé en faveur d'une plus grande prise en compte de la connaissance scientifique dans le processus décisionnel afin d'améliorer le rapport coût-efficacité. Il a illustré son propos par un exemple concernant les récifs artificiels, de plus en plus populaires, qui servent à la fois à reconstituer les habitats détruits par le chalutage de fond et à diversifier l'habitat des espèces marines dans d'autres zones. Ces récifs sont plus efficaces s'ils sont placés dans des zones de courants, les voies de transport des larves et du plancton. L'emplacement de la protection doit être soigneusement choisi en fonction des unités fonctionnelles de l'écosystème et non des espèces isolées, même si des espèces emblématiques peuvent faciliter la communication avec le public. Il a mis en garde contre une simplification excessive pour des raisons de commodité dans la communication avec les citoyens ou les politiciens, qui pourrait se retourner contre eux. Il est important d'accepter et de considérer la complexité et le temps de reconstitution comme des caractéristiques essentielles des écosystèmes pour qu'ils retrouvent leur robustesse. En résumé, la conservation et la réhabilitation du milieu marin doivent être fondées sur des protocoles scientifiques, l'accent étant mis sur l'obtention d'avantages pour les citoyens afin de garantir un consensus social et un soutien.
Vedran Nikolić de l'unité «Conservation de la nature» de la Direction Générale de l'Environnement de la Commission européenne, est un vétéran des négociations menées à différents niveaux, en Europe et dans le monde, autour de la Convention sur la diversité biologique (CDB). Il a constaté l'écart important entre les ambitions des traités et les réalités du terrain. L'échec de la mise en œuvre a entraîné la raréfaction puis l'extinction d'espèces. Il a reconnu qu'il fallait du temps pour mobiliser les citoyens, mais qu'il était impératif d'accélérer considérablement cette mobilisation. En Europe, quelque 6 000 aires marines protégées (AMP) ont été déclarées, dont la moitié sont des sites Natura 2000, mais leur état actuel et l'efficacité de leur gestion n'ont pas été systématiquement évalués. En l'absence d'indicateurs de résultats, personne ne dispose d'une bonne vue d'ensemble.
Il a également insisté sur le fait qu'il était essentiel de réduire les pressions humaines non seulement dans les zones protégées, mais aussi au-delà des 30 % qui sont censés devenir des zones protégées en vertu d'accords internationaux et régionaux. Ces zones non officiellement protégées doivent être gérées de manière durable et ne pas être exploitées, si l'on veut obtenir des résultats globaux. Il est bien conscient que la nouvelle loi européenne sur la réhabilitation de la nature a tout pour changer la donne, même après avoir été quelque peu édulcorée lors des dernières étapes au Parlement européen et des négociations avec les États membres de l'Union européenne. Son message final fut un encouragement à en faire plus et à en récolter les fruits : réduisez les pressions exercées sur la nature et vous verrez apparaître les premiers signes de rétablissement.
Lors des discussions pendant les pauses, Mundus maris a attiré l'attention sur l’intérêt d’un jeu de rôle portant sur la manière de faire fonctionner une aire marine protégée potentiellement contestée dans un pays fictif. Ce jeu de rôle est la principale mission de notre stagiaire actuelle, Monica Facci, étudiante en master en sciences humaines de l'environnement à l'université Cà Foscari de Venise. En s'appuyant sur l'expérience du public et sur des entretiens avec différentes parties prenantes, elle développera le matériel pour les modèles que les jeunes adultes des écoles ou des universités pourront incarner afin d'acquérir des connaissances sur la protection de la biodiversité et sur les différentes positions vis-à-vis des AMP. L'exposition émotionnelle au cours d'une délibération modérée et respectueuse visant à développer un consensus social est tout aussi importante. Après avoir été testé, le matériel sera mis à la disposition de ceux qui souhaitent, par exemple, jouer le jeu de rôle à l'occasion de la Journée mondiale de l'océan, le 8 juin, ou pour toute autre occasion. Contact info[a]mundusmaris.org
Plusieurs intervenants ont montré que le chevauchement des législations sectorielles constituait un obstacle de taille à l'adoption de règles plus intégrées qui permettraient de trouver un meilleur équilibre entre les coûts et les bénéfices pour l'homme et la nature. Dans toutes les régions d'Europe, les intervenants ont fait part de messages et d'expériences similaires : il faut s'engager auprès des municipalités, des pêcheurs, des citoyens ordinaires, de tous ceux qui sont concernés par la santé des océans. La connaissance est nécessaire, mais pas suffisante. Nous avons besoin de l'engagement des cœurs et des esprits. Commencez par arrêter ou réduire les pressions, trouvez des solutions pour restaurer les habitats locaux, montrez les avantages d'un environnement sain.
Emanuel Goncalves, scientifique en chef et membre exécutif du conseil d'administration de la Fondation Oceano Azul, a insisté sur la nécessité de modifier l'article 11 de la politique commune de la pêche, la pratique ayant montré l'extrême difficulté, voire l'impossibilité, de prendre des mesures de protection dans le cadre du droit environnemental si un autre État membre de l'UE a des intérêts de pêche dans la même zone. Il a affirmé que nous devions faire face aux crises existentielles que sont la perte de biodiversité et le changement climatique, et qu'il n'était donc pas possible de continuer à traîner les pieds. Il a demandé une accélération de la transformation, car nous n'avions tout simplement pas 40 ans de plus pour protéger quelques autres pourcents de l'océan comme nous l'avons fait par le passé.
Au terme d'une journée stimulante, Elisabetta Balzi, chef de l'unité «Océan et eaux» de la DG Recherche et Innovation de la Commission européenne, a annoncé que d'autres occasions de mettre en pratique ce qui a été appris lors des échanges allaient se présenter: le prochain appel à propositions portera sur les aires bleues protégées et sur la manière de les faire fonctionner.
Traduction française de Christiane van Beveren.
L'éducation à l'océan pour tous, 8 mars 2024
Quelle belle entrée en matière que le spectacle improvisé de comédiens de stand up de la compagnie «Improbably Performance» (Performance improbable)! Ils ont mis en scène les «arguments» et les opinions souvent absurdes et contradictoires que l'on peut trouver sur certains canaux de médias sociaux, comme s'ils voulaient interpeller le public : «Êtes-vous bien préparés et informés ou risquez-vous de tomber dans le panneau d'un charlatanisme habilement présenté ?» Plus important encore, leurs scènettes invitaient également à se divertir et à ne pas se laisser abattre par les rapports de plus en plus dramatiques sur l'état de l'environnement marin et sur les moteurs et les effets du changement climatique. Après tout, l'humour est une bonne protection contre le défaitisme et un bon rire donne à tous l'énergie nécessaire pour trouver de nouvelles réponses aux défis.
La directrice générale de la DG MARE, Charlina Vitcheva, s'est ensuite entretenue avec un groupe de jeunes femmes engagées dans la défense des océans : Rada Pandeva du projet Thalassophile, Stavrina Neokleus de Surfrider Europe et Leitizia Artioli du pavillon du changement climatique de Venise. Malheureusement, toutes les intervenantes ont fait des déclarations trop bien rodées, qui auraient eu plus de force avec un peu plus de spontanéité. La pertinence des messages n'en a pas été diminuée pour autant.
La session 1 portant sur la connaissance de l’océan, préambule à une économie bleue durable s'est penchée sur les conditions pouvant y contribuer à partir de l'expérience acquise dans le renforcement de la connaissance des océans et des compétences en économie bleue. Celle-ci est, bien entendu, un concept dont on use et abuse, parfois pour justifier des infrastructures qui détruisent plus de nature qu'elles n'en protègent ou même qu'elles n'en réhabilitent. Pour planter le décor, Evelyn Paredes Coral, de l'université de Gand, a présenté les principaux résultats d'une étude sur les compétences et les aptitudes dans les professions maritimes. Les connaissances sont importantes pour décrocher un emploi. Lors des entretiens, les chercheurs ont étudié les postures à l'égard de la durabilité des océans, ce qui serait considéré comme un usage légitime de l'océan, et la pratique de comportements respectueux de l'océan, éventuellement basés sur un intérêt personnel pour l'océan.
Les résultats de l'étude ont clairement montré que les connaissances sur l'océan ne suffisaient pas à susciter des attitudes positives. D'autres intervenants se sont faits l'écho de ce constat et ont également soutenu que les entreprises devaient promouvoir les compétences personnelles de leurs employés, et que les sensibilités "vertes" et l’esprit de coopération devaient être activement recherchés. Farhat-Un-Nisá Bajwa, du "Centro de Investigação Marinha e Ambiental", a insisté sur la nécessité d'une coopération intersectorielle, et non limitée à des cadres techniques étroits. Ruben Eiras, secrétaire général de "Fórum Oceano", a estimé que les pêcheurs artisanaux, en particulier, disposaient déjà d'un grand nombre de connaissances interdisciplinaires et qu'ils devraient donc jouer un rôle important dans l'élaboration de l’océan futur.
La session suivante s'est concentrée sur l'introduction de l'océan dans les écoles. Francesca Santoro, de la COI/UNESCO, s'est montrée particulièrement éloquente en plaidant en faveur de la promotion non seulement de la connaissance des océans, mais aussi des émotions, des valeurs humanistes, des attitudes positives, de l'engagement citoyen et des compétences en matière de leadership. D'autres intervenants se sont dits du même avis et ont ajouté qu'il était important de travailler avec les municipalités, souvent en charge des écoles primaires, et de soutenir les enseignants. Tous s'accordent à dire qu'il serait souhaitable de combiner les matières fondamentales pour obtenir les meilleurs résultats. Cela permettrait au moins de commencer à relever les défis les plus courants, tels que le manque de temps et de financement et d'autres contraintes liées à la structure du programme d'études. Melita Mokos, professeur adjoint à l'université de Zadar, a également rappelé à l'auditoire que si de nombreux outils pédagogiques étaient disponibles en anglais, ce n'était pas du tout le cas dans de nombreuses autres langues et que les enseignants manquaient souvent de formation pratique dans ces autres langues.
Les deux sessions de l'après-midi ont donné lieu à une échange entre artistes, médias et influenceurs sur la meilleure façon d'inciter les citoyens et les jeunes à s'intéresser à la connaissance des océans. Ils ont présenté un certain nombre d'exemples pour illustrer ce qui fait une histoire engageante. Les ingrédients clés seraient principalement des faits bien racontés, de sorte qu'un destin humain ait un visage et ne disparaisse pas dans de sombres statistiques.
Des actions de la société civile dans les rues, dans les médias sociaux, sur le terrain, comme la campagne pour mettre fin au commerce des ailerons de requins dont la pétition a recueilli plus d'un million de signatures. La campagne contre l'exploitation minière en eaux profondes a favorisé le vote d'un moratoire au Parlement européen. Les efforts combinés de nombreuses organisations de protection de la nature diffusant les résultats de leurs dernières recherches sur la nuisance du chalutage de fond pour l'environnement marin et le climat ont certainement influencé la récente décision d'interdire le chalutage de fond dans les zones marines protégées en vertu de la directive européenne sur l'habitat.
L'autre table ronde était plus tournée vers l'avenir, rassemblant les idées des enfants, des jeunes, des citoyens et du public, les souhaits et les promesses du réseau #MakeEUBlue net, les résultats d'autres événements des Journées européennes de l'océan ainsi que les visions de la Mission européenne Océan et Rivières et de la Décennie des Nations unies pour les sciences de la mer. Les idées, conventionnelles ou non, ne manquent pas. L'accent doit être mis sur la concrétisation de ces idées dans la vie quotidienne, dans les écoles, les événements artistiques, les institutions publiques et privées, les laboratoires et la rue.
Les îlots d'alphabétisation océanique du premier étage offraient de nombreux autres exemples de bonnes initiatives à imiter et avec lesquelles collaborer (voir les photos à droite). Cette journée a été l'occasion de recharger les batteries et de poursuivre le travail avec une énergie nouvelle.
Toutes les photos appartiennent à l’asbl Mundus maris sauf indication contraire. Plus de photos ainsi que les enregistrements des panels de la journée sont disponibles ici.
Traduction française de Christiane van Beveren.